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Entretien avec Aharon, parolier et chanteur de Griffon

Notre venue au Cernunnos Pagan Fest a été l’occasion d’une discussion avec Aharon, le leader, parolier, et chanteur de Griffon. Nous lui avons posé quelques questions sur son groupe, sur sa vision de la scène pagan black metal, et sur bien d’autres choses encore. Nous le remercions pour sa disponibilité et pour ses intéressantes réponses.

Griffon joue du pagan black metal. Vous déclariez en interview être en désaccord avec la scène pagan drakkar-kilt-corne à boire. Est-ce ce ras-le-bol qui a donné naissance à Griffon ?
J’aime beaucoup la musique folk, et c’est pourquoi je n’aime pas le folk metal ! En fréquentant le milieu de la musique traditionnelle, qui a connu une émergence en France dans les années 1970 sous l’impulsion de certains groupes tels que Malicorne, pour ne citer qu’eux, j’ai compris que l’idée était de redécouvrir les musiques d’antan pour les rejouer devant le public et les faire connaître. Les soucis, c’est que le folk metal n’a pas du tout cette vocation pour 90% des groupes ; la démarche c’est plus « tiens, l’accordéon et la flûte c’est sympa, on n’a qu’à en mettre dans notre metal ». Pour moi, c’est dommage, parce que la musique metal aurait pu être un vecteur de redécouverte de cette musique-là. Remettre au goût du jour les airs et mélodies de l’ancien temps, c’est quelque chose d’extraordinaire ; et que pourrait être la scène folk metal si elle avait cette démarche ! Quelques groupes le font néanmoins, quelques groupes connus même parfois ; je pense à Eluveitie notamment qui se fait lyncher par tout le monde à coup de « les membres n’ont aucune inspiration, ils ne font que reprendre des airs bretons ». Oui, cette musique appartient à tout le monde. J’ai comme beaucoup de monde découvert le metal vers quinze ans, et maintenant je suis content, quand je vais en fest noz, d’être capable de reconnaître des airs joués grâce à des groupes comme Eluveitie.

Pourrais-tu nous parler des grosses influences musicales du groupe ?
Alors, c’est compliqué. Je ne suis que le leader chanteur et parolier du groupe, c’est Sinaï qui compose toute la musique. Je vais essayer de répondre pour lui. Il a commencé le black comme tout le monde avec Gorgoroth et Mayhem, mais il n’est pas du tout resté dans un délire trve et minimaliste, raw. Le raw, c’est un peu dépassé, c’était la démarche de retour aux sources avec un certains manichéisme comme le faisait Darkthrone avec ses artworks monochromes. C’était nécessaire à cette époque pour retrouver une vraie sincérité. Maintenant nous sommes en 2017 et la musique doit évoluer. Sinaï écoute beaucoup de musiques différentes, jusqu’aux groupes assez commerciaux, comme Fleshgod Apocalypse, ou du deathcore. Il n’est pas du tout bloqué sur le black et reste très ouvert. Il n’a pas du tout comme objectif de révolutionner la musique. On voit souvent sur le net des gens nous dire des choses comme « c’est pas mal mais ça révolutionne rien ». Oui, effectivement, on joue la musique qu’on aime et qui nous fait aimer cet art, pas pour se faire remarquer ou casser les codes. Sinaï peut écouter comme je te disais du Fleshgod Apocalypse et s’en influencer notamment pour les harmonies, mais aussi du Dissection ou le dernier Sühnopfer par exemple.

Vous avez fait faire votre artwork par Tedd de Wyrms. Vous sentez-vous proche de lui ?
Au niveau des thématiques, oui un peu, le côté mélodique et certains leads, mais pas tellement dans la composition. Wyrms est plus rentre-dedans, efficace et lyrique, plus proche de Windir. J’aime en revanche beaucoup ses artworks, avec cet aspect raw. On ne voulait pas quelque chose fait par un artiste reconnu, parce qu’on aime pas forcément tout ce que font ces figures. On cherchait quelque chose de plus simple. Je lui ai demandé de me dessiner le prophète Elie massacrant les prêtes de Baal sur le Mont Carmel, en deux jets c’était parfait. On le connaît bien, c’est simple de travailler avec lui, on s’entend très bien et on continuera sûrement à travailler avec lui.

Toujours dans une précédente interview, vous réagissiez à une phrase de Legion, de Marduk, qui déclarait que le black metal se définissait avant tout par le satanisme. Vous ne sembliez pas être d’accord avec cette affirmation, et cela m’a fait penser à ce que disais Vindsval, de Blut Aus Nord, sur la même question dans une interview donnée pour Thrashocore. Lui disait qu’à notre époque, où le satanisme est omniprésent dans le black, une façon de continuer à être subversif et réellement black metal dans l’esprit était peut-être par exemple d’envisager un black metal christique.
Dans Griffon, j’écris sur des thèmes historiques. À une certaine époque, la religion était partout. Maintenant, la religion chrétienne est forcément divisée du temporel et de l’époque actuelle. Il n’y a pas eu de séparation entre l’Église et l’État en France avant 1905. Je pense qu’il est sain pour la religion chrétienne d’être indépendante de l’État. En France, on ne grandit plus sous le poids de la religion depuis un bout de temps déjà. En Norvège c’était encore beaucoup le cas il y a trente ans, et là effectivement c’était subversif de lancer un « Hail Satan ». En France, on a rapidement compris que ce n’était pas vraiment transgressif. Après, c’est rigolo le satanisme, je suis le premier à trouver Satan super cool dans les concerts de Watain ! Ça fait tout de même quelque chose. Maintenant, ce n’est plus le fer de lance du black metal et ça ne devrait pas le devenir. Personnellement, même si je trouve ça amusant à voir, ça ne me parle pas. Je n’aime pas non plus l’idée du religieux dans le black metal, du pro-religieux. Je pense que ça peut inciter aux dérives d’extrême droite faciles en faisant le pont bien pratique entre le religieux et les traditions. De mon point de vue, la religion est une affaire de cœur. Elle va par nature transcender tout ton être et donc ta musique, mais je ne considère pas que la musique doit être religieuse en soi. Les groupes de black chrétien étaient plus drôles qu’autre chose. Mais effectivement, un clivage religieux se redessine à notre siècle. On réalise que l’islam ne convient pas à la laïcité, ce qui est normal, ce n’est pas à cette religion de changer. On revient à quelque chose de spirituel. Notre siècle sera spirituel ou ne le sera pas ! On essaye de tuer la religion, mais elle se défend ardemment.

Vous êtes de fins connaisseurs de la scène française. Que pensez-vous de la polémique actuelle autour de KPN, du Ragnard Rock ou des événements du Messe des Morts de Montréal ? N’avez-vous pas l’impression que nous avons une névrose du fascisme et de la dérive d’extrême-droite dans le pays francophones ?
Je me réclame héritier de la scène française de Belenos ou de Darkenhöld, pas des thèmes fascistes qui y sont souvent développés. KPN est un très grand groupe, Famine un excellent musicien, et ses textes n’ont rien de nazi. J’aime beaucoup sa démarche musicale, mais je trouve très dommage qu’il s’associe à des gens qui eux pour le coup sont néo-nazis. Pour moi, le tocard qui tape des sieg hail dans un concert de black fait du mal à tout le monde. Autant à la scène qu’au public. Le Call of Terror par exemple me rend vraiment triste. J’étais au concert de Peste Noire à Limoges où il n’y avait pas de groupes NS, et l’ambiance n’était déjà pas très drôle. Après, à Québec, l’antifascisme est encore beaucoup, mais beaucoup plus fort qu’ici. Peut-être qu’il faut en tirer des leçons et se dire que booker Graveland, c’est peut-être pas une bonne idée. Mes amis de Moonreich m’ont raconté que les activistes antifascistes étaient prêts à tout pour annuler le concert. Même ici en France on a eu un type qui donnait des flyers devant notre dernier concert. Nous faisions jouer Khors, et il était convaincu que le groupe était nazi. On n’avait pas de problème avec le fait qu’il donnait des flyers, on l’a laissé faire, on respecte son opinion. Moi ça me désole qu’on ait des nazis en concert, j’en ai pris quelques uns à partie une fois, ça s’est mal passé (rires).

Penses-tu que le renouvellement de l’intérêt pour le paganisme en Europe, même hors du metal, veuille dire quelque chose sur notre époque ? Penses-tu que l’on puisse combiner des valeurs païennes avec notre vie moderne ?
Pour moi, le paganisme est mort depuis le début du christianisme. Ce qu’on fait maintenant, ce n’en est pas. Mais ce n’est pas grave ! Il faut juste se rappeler que le paganisme, c’était des sacrifices, des immolations aux dieux, en plus de cultures très affirmées. L’aspect écolo-nature c’est une chose, mais le paganisme c’est le sang, la chair, le sexe. La mentalité païenne, très peu l’ont réellement. Après, le compositeur de Himinbjorg, pour le coup, est vraiment païen, il ne supporte pas les chrétiens et le vit à 100%. C’est magnifique à voir, mais c’est une exception. Je pense que les gens sont en manque de spiritualité. On essaye de retirer l’aspect religieux et spirituel de l’homme, mais c’est un manque. L’homme retourne chercher une croyance. Même l’athée convaincu croit en son athéisme comme en une doctrine. Il est religieusement athée. C’est déjà une forme de spiritualité pour moi.

Es-tu inspiré par d’autres formes d’art que la musique ?
J’aime beaucoup l’art byzantin, la mosaïque. L’art arabe aussi, tout ce qui touche à la Grande Constantinople. Je pense m’en inspirer pour le prochains albums.

Merci beaucoup de m’avoir accordé cette interview, je te laisse le mot de la fin.
Merci à toi de t’être intéressé à Griffon.

Merci à Aharon pour le temps qu’il m’a consacré.
Merci à Sarah d’avoir rendu cette interview possible.

3 Comments on Entretien avec Aharon, parolier et chanteur de Griffon

  1. Même dans un groupe de black, cette peur d’être fasciste, raciste est pitoyable. L’idéologie gauchiste salit tout, même le black. Enfin, la déclaration d’amour pour les cultures orientales parachève ce monument de politiquement correct. Triste.

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    • Je ne pense pas qu’il faille voir une volonté de faire du politiquement correct là où il n’y en a pas forcément. Aharon m’a fait l’effet d’un gars très droit dans ses bottes, qui n’a pas besoin de faire de la provoc ou quoi que ce soit pour se faire remarquer. Pas que le nationalisme soit forcément de la provoc hein, mais il faut reconnaître que pas mal de blackeux s’en servent de cette manière. Au contraire, je pense qu’Aharon s’en fout un peu de ce qu’on pense de lui, et qu’il a des convictions fortes. Il ne peut pas blairer le black à tendance trop natio ou qui entre dans le « flou politique », et il ne se gêne pas pour le dire. Où est le soucis ? Pourquoi ne pourrait-il pas déplorer sincèrement cela ? Ce sont ses convictions. C’est dommage de chercher du conformisme bien-pensant là où il n’y en a pas. Autant c’est naze de dire « Olalah non on est pas fascistes » quand on a juste peur d’être affilié à ce mouvement parce qu’on fait du black, autant on peut faire du black et s’opposer au nationalisme un peu extrême par vrai conviction. Enfin, concernant l’intérêt pour l’art oriental, je ne vois vraiment pas ce que tu veux dire. Il peut parfaitement être passionné et touché par l’art oriental sans que cela ne soit par volonté d’être Charlie non ? L’album de Batushka est à fond dans l’esthétique byzantine, et personne n’est allé leur dire qu’ils font ce choix par conformisme.

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  2. « Je n’aime pas non plus l’idée du religieux dans le black metal, du pro-religieux. Je pense que ça peut inciter aux dérives d’extrême droite faciles en faisant le pont bien pratique entre le religieux et les traditions. » « J’aime beaucoup l’art byzantin, la mosaïque. L’art arabe aussi, (…) »
    Ce mec a le cerveau lavé par france inter. La peur panique de la « dérive » d’extrême droite et la la fascination pour tout ce qui est extra-européen et en opposition séculaire avec les européens. Ce type est un décérébré voué au gauchisme radio-télévisuel. C’est exactement ce que l’on fuit en écoutant du black-metal. Après je ne dis pas qu’il y croit pas, je dis qu’il est débile et sans aucune personnalité.

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