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Interview – Gianluca Livi

Après avoir analysé Fleeting Steps, un album aux accents expérimentaux prononcés, nous avons souhaité poser quelques questions à son géniteur, l’artiste italien Gianluca Livi. L’occasion nous était donc donnée d’en apprendre un peu plus sur son univers musical et sur son travail avec son groupe, Anno Mundi.

Peux-tu te présenter et présenter ton travail avec Anno Mundi et sur ton projet solo ?
Je suis le batteur de Anno Mundi, un groupe de hard rock qui puise son inspiration dans le son des années 1970, en particulier celui des groupes du magnifique label Vertigo, Black Sabbath en tête. Le groupe a été fondé en 2009 par ma volonté et celle du guitariste Alessio Secondini Morelli. Les deux premières sorties (Cloister Graveyard In The Snow et Window In Time) ont vu le jour grâce à des musiciens de session italiens, membres renommés de groupes prog et hard rock comment Banco del Mutuo Soccorso, Ezra Winston, Grall, ou encore Rondò Veneziano. Ensuite, les deux sorties ont été produites dans un seul CD, qui a pris le nom du deuxième album, par le label BTF/Earshock.En 2014, on a commencé à enregistrer le nouvel album, mais une série de mésaventures (problèmes de santé, studio d’enregistrement endommagé par le tremblement de terre, changement de line-up) ont grandement retardé les enregistrements. En attendant, il y a environ un an, le travail expérimental « Tardis », extrait du premier album, a suscité l’intérêt d’Alex Marenga, l’un des deux patrons d’Eclectic Productions.

Nous nous sommes déjà penchés sur un album sorti via ce label.

Exactement. Le label Eclectic est peut-être l’un des seuls en Italie qui publie des albums expérimentaux et ambient, en passant bien évidemment par le noise, le drone, la techno, la musique industrielle… En effet, notre travail réalisé sur « Tardis » naviguait dans ces eaux. Alex m’a alors demandé de lui préparer une compilation qui aurait vocation à être sortie via le label, mais quand je lui dit que j’avais suffisamment de matériel pour un album entier, le projet est devenu plus audacieux et on a commencé à travailler sur Fleeting Steps.

Comment en es-tu arrivé à vouloir composer ce type de musique un peu expérimental ?
Si tu me permets une comparaisonje trouve que mon approche est très similaire à celle de Pat Mastelotto (King Crimson). Il ne s’agit pas vraiment d’un batteur de premier plan dans le milieu, beaucoup d’artistes lui sont supérieurs, mais c’est un excellent, un merveilleux, un incroyable manipulateur de son et de rythmeJ’ai découvert ma passion pour ce genre de choses-là, en travaillant sur « Tardis ». Désormais, je joue avec les sons et les rythmes en utilisant de nombreux effets. J‘allonge les notes ou je les réduis, j’aime beaucoup jouer avec tout ça.

Cependant, il y a relativement peu de rythme dans cet album. Un paradoxe si l’on considère ton expérience en tant que batteur.
C’est vraiJ’ai préféré travailler sur des sons plutôt que sur du rythme. Mais en général, les percussionnistes ne subliment pas leur propre instrument dans leurs album solo. On doit considérer que la batterie ne produit aucune mélodie ou harmonie, mais seulement du rythme, et moi, je ne voulais pas faire un album rythmique. Depuis que je joue un peu de guitare, je suis en mesure de générer des mélodies et des harmonies. Pour cette raison, les interventions à la batterie sont calibrées, réduites au minimum, et seulement dans la moitié de mon travail, parce que dans l’autre moitié, il n’y en a pas. Mais c’était un choix naturel et je pense que le résultat final me donne raison.

Comment as-tu procédé pour composer Fleeting Steps ?
J’ai commencé avec quelques thèmes fondamentaux que j’avais en tête, et puis j’ai créé des mélodies à l’aide d’un logicielJ’ai transféré tout ça à des amis musiciens qui ont pu m’aider pour quelques arrangements. Ensuite, j’ai supprimé tous mes démos originales, tous mes programmations de base, et j’ai ajouté un peu de son provenant de la boîte à rythme. Enfin, j’ai superposé toutes les sonorités d’ambiance pour arriver au résultat que l’on sait. Dans un cas, celui de « Birth of a Flower In a Post-Atomic Landscape II », j’ai éliminé tout ce que j’avais joué et programmé, ne laissant que le piano et la guitare. Et c’est une forme de fierté pour moiqu’il y ait dans mon album un morceau où je ne joue pas, et où j’ai seulement contribué à la composition.

Qui sont les musiciens avec lesquels tu as travaillé ?
Domenico Dente est un bassiste hypnotique et séduisant qui a joué un petit rôle dans le nouvel album de Anno Mundi. Il a apporté sa contribution aux titres « Lost In Space » et « Fujiko Mine I ». Massimo Sergi est un artiste capable de passer facilement du minimalisme évocateur du piano mélancolique (« Irrational Thoughts » et « Birth of a Flower In a Post-Atomic Landscape II »), aux  ruminations schizoïdes des synthétiseurs névrotiques et affolés (« Talkin’ to an Alien About Eternity » et « Irrational Thoughts »). Il est en train de publier un album solo de piano, contenant des mélodies merveilleuses et très évocatrices. Il m’a honoré de sa participation, et je serai notamment l’ingénieur du son de son album.

Stefano Pontani, enfin, 
est le plus noble de tous les musiciens. Il a passé de nombreuses années dans des groupes italiens de metal progressif et de fusion comme Ezra Winston, VU-Meters ou Anagramma. Ezra Winston est très célèbre dans l’environnement progressif français. Il est considéré comme la pierre angulaire de la musique progressive depuis la fin des années 1980. Il est un expérimentateur parfait et pur, le meilleur partenaire pour moi et ma conception visionnaire de la musique.
Sa contribution a été décisive pour des titres tels que « Birth of a Flower In a Post-Atomic Landscape II », « Zero Gravity In My Lair » et « Talkin to an Alien About Eternity », dont il est aussi co-auteur.


Quelles ont été tes sources d’inspiration pour composer cet album ?
Tout d’abord, la belle aquarelle dessiné par mon fils Alessio quand il avait quatre ans (ndlr : il s’agit de l’artwork de l’album). Ensuite, le caractère le plus magnétique et mélancolique (et peu connu) de Fujiko Mine, la cambrioleuse professionnelle amie/ennemie de Lupin III (ndlr : dans la série de manga du même nom). Enfin, je dirais un alien, une fleur, l’espace et l’éternité, mon repaire, et toutes mes pensées irrationnelles (rires).

Quels sont les messages que Fleeting Steps cherche à diffuser ?
Stefano, Massimo, Domenico et moi, nous pensons qu’aujourd’hui la musique et la culture en général sont trop condamnées, forcées et déterminées. Nous avons essayé de transmettre le message qui entend inciter à démolir les idées préconçues, détruire les modèles imposés, adhérer à un concept d’ouverture totale. Pas seulement musicale, mais aussi culturelle.

Suis-tu toujours avec intérêt les sorties metal du moment ?
Pas vraiment. Je suis plus enclin à écouter de la musique produite actuellement, mais surtout de la part des anciens soldats du rock’n roll (rires).

Quels sont tes groupes et projets favoris ?
J’écoute tous le 
genres musicauxdu classique au metal, en passant évidemment par le rock, le prog, le jazz, la musique expérimentale… En parlant de metal, j’adore le thrash de Slayer, Coroner, Megadeth, Artillery, Kreator, ou Annihilator. J’écoute du hard rock des années 1970, comme Living Colour, 24-7 Spyz, et bien sûr, le merveilleux groupe français We Insist!. L’album The Babel Inside Was Terrible est sublime.

Dans le domaine de la guitare, j’aime Pat Metheny, John McLaughlin, Jimi Hendrix, Allan Holdsworth, Stefano Pontani… J’écoute (et les écouterai sans toujours toujours) la pop des Beatles, le psych-folk des Crosby, Stills, Nash & Young, le prog de Genesis, Yes, Ezra Winston, Goblin, Porcupine Tree, PFM, New Trolls, King Crimson et – on parle encore une fois d’un grand musicien français – Jean-Luc Ponty, mais pas seulement parce qu’il a le même prénom que moi (rires). J’adore le southern rock, avec des groupes comme BlackfootAllman Brothers Band, Lynyrd Skynyrd, Charlie Daniels Band…

Dans la catégorie de la musique ambient et expérimentale, je pense que Passion de Peter Gabriel et The Decline of Western Civilization de Entropia sont magnifiques. J‘aime aussi les expérimentations des polonais de SBB et des français de Magma. Enfin, du moins, il s’agit là de la face visible de l’iceberg. J’ai une collection de dix mille vinyles et je pourrais continuer comme ça pendant des heures, mais j’aime trop les lecteurs français pour les ennuyer de telle manière (rires).

Quel regard portes-tu sur l’évolution du metal ? 
Tu parles bien de l’évolution des metal depuis ses origines jusqu’à nos jours ? Eh bien, je crois qu’il s’est bien développé. Toutefois, en parlant du son de notre temps, je n’écoute pas tout ce qui est plus extrême, et je pense que c’est bien de vouloir détruire et remodeler les modèles parfois imposés. Mais le metal sans aucun solo de guitare s’apparente à un blasphème selon moi.

Merci d’avoir pris le temps de nous accorder cette interview et bonne continuation.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt Heiðnir Webzine, et je pense qu’il est louable de vouloir unir mettre sous la même bannière les genres black, pagan, folk et ambient. Je crois que vous êtes les seuls à faire une telle chose, et cela correspond bien à ce que je disais plus haut sur la nécessité de démolir les idées préconçues et d’adhérer à un concept d’ouverture culturel. Merci à vous pour le soutien aux groupes de tous les genres, français et étrangers, qui luttent chaque jour pour lancer leur concept de musique libre de tout régime.

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